E. Macron en Afrique: un jeu d'équilibriste sous haute tension à fort enjeux

 Emmanuel Macron et Félix Tshisekedi en mars 2023 à Kinshasa.

Par Thomas Leroux - Contributeur Le Contemporain, reporter.

La France en Afrique, c’est une longue histoire. L’Afrique est essentielle pour la France d’un point de vue économique, stratégique et politique. Ses matières premières, ses bases militaires, sa puissance à l’ONU ainsi que son potentiel économique sont les pions majeurs de la France sur l’échiquier mondial. En visite officielle dans plusieurs pays d’Afrique centrale du 1er au 4 mars, Emmanuel Macron et la France se retrouvent dans une posture difficile sur le continent : Expulsée du Mali, non bienvenue au Burkina Faso, la France souffre face à la forte concurrence internationale et perd le contrôle historique qu’elle exerçait sur le continent depuis plusieurs siècles. L’objectif de la visite d’Emmanuel Macron était donc de jouer l’équilibriste et d’essayer de créer une nouvelle image de la France sur le continent Africain et d’en finir avec l’éternel fantôme de la Françafrique qui peste les relations entre la France et ses ex-colonies.

La Françafrique, cette domination politique, économique et culturel que la France a pratiqué depuis les années d’indépendance africaine pèse lourd sur les relations d’aujourd’hui. Encore aujourd’hui, elle provoque de multiples problèmes de confiance et surtout de crédibilité auprès des populations africaines et de la jeunesse. Les récents dossiers déclassifiés sur la mort de l’ancien président burkinabè Thomas Sankara, le rôle de la France dans le génocide rwandais et les archives de Jacques Foccart, le Monsieur Afrique du Général de Gaulle, n’ont pas aidé. Ces dossiers et archives montrent l’implication de la France dans de nombreux coups d’états, d’influence et d’actions de déstabilisation durant les années fortes de la Françafrique. 

La France, qui par le passé était la force dominante dans leurs ex-colonies, se retrouve affrontée à de nouveaux rivaux. Depuis les années 2000, la Chine place ses pions sur les matières brutes en Afrique a coup d’accord économique et de projet de développement. L’arrivée de nombreux investisseurs Chinois avec des projets pharaoniques a non seulement augmenté l’influence de la Chine en Afrique, mais montre aussi le placement essentiel du continent dans le plan mondial de Xi Jinping. La Turquie est aussi très présente de manière militaire, avec par exemple ses drones utilisés pendant la guerre du Tigré en Éthiopie, de manière économique grâce aux investissements et de manière spirituelle dans les pays musulmans, où elle finance la construction de nombreuses mosquées.

La Russie a également fait de l’Afrique une priorité. Agissant par proxy via la force paramilitaire Wagner, le Kremlin a placé ses pions dans plusieurs anciennes colonies françaises. La République Centrafricaine, le Mali et peut-être bientôt le Soudan et le Burkina Faso, sont devenus les points forts de la Russie qui (grâce au pouvoir de l’influence) expulse les Français de leur zone d’influence historique. Avec Wagner, le Kremlin joue sur l’image de la Françafrique et frappe la France à coup de campagne médiatique de décrédibilisation. Cette stratégie semble bien marcher, puisque la France n’est déjà plus la bienvenue au Mali, et beaucoup de jeunes des pays francophones la veulent hors du continent. 

Retournons donc au voyage du Président Français en Afrique Centrale début avril. Dans un contexte très difficile, Emmanuel Macron s’est rendu d’abord au Gabon, puis en Angola, finissant au Congo et en RDC. Connaissant le contexte historique et actuel, le Président Français est venu pour redorer l’image de la France, et créer de nouveau partenariat. Il semble vouloir en finir avec l’image de cette Françafrique qui exploite, influence et appauvrit les populations locales. 

Avant même son arrivée sur le continent, Emmanuel Macron était critiqué pour son choix de pays. Deux des quatre pays sont des hauts lieux historiques de la Françafrique. Le Gabon pour commencer a des liens historiques très étroits avec la Françafrique. Ali Bongo, aujourd’hui au pouvoir, et fils d’Omar Bongo, un grand ami de la pratique de la Françafrique et de son dénommé fondateur Jacques Foccart. Au Congo Brazzaville, Denis Sassou Nguesso, Président depuis 1979 (avec une courte pause entre 1992 et 1997), était également un grand ami de la Françafrique des années 80. Certains le considèrent comme une relique de cette période de domination française. Drôle de choix donc pour en terminer avec les symboles de domination…

Finalement, le voyage de Monsieur Macron s’est fini dans la tension suite à une conférence de presse conjointe avec Félix Tshisekedi, le Président de la République Democratique du Congo. Un désaccord sur les propos accusateurs de l’ex-ministre d’Emmanuel Macron, Jean-Yves le Drian sur l’élection arrangée « à l’africaine » - selon le ministre -, de Monsieur Tshisekedi, est un symbole du malaise entre la France et le continent Africain.


Cette visite montre que la France n’est plus aussi influente et dominante sur le vieux continent que par le passé. Pourtant, les mentalités et les symboles restent. Le pays doit faire face à cette réalité et ne peut plus rivaliser avec ses rivaux Chinois et autres sur l’échiquier mondial.


La France a donc besoin d’un second souffle sur le continent. Perdre son influence sur le continent serait une catastrophe monumentale pour la France du point de vue économique et politique. 

Que faire donc ? La France pourrait peut-être regarder vers d’autres pays du continent avec lesquels elle a moins de liens historiques. L’Angola par exemple, troisième pays visité par Emmanuel Macron, semble inspirée à réussir. Des relations avec de nouveaux partenaires africains permettraient à la France de repartir de zéro et se créer de nouveaux alliés. Pourtant, la France doit affronter les fantômes de la Françafrique et créer des relations bilatérales égalitaires. Arrêter les discours paternalistes et se croire gendarme de l’Afrique est essentiel. De cette manière seulement que la France peut regagner la confiance de ses anciennes colonies et dans un période de dure compétition avec des puissances comme la Chine, la Russie, la Turquie et peut-être bientôt d’autres.

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