Bernadette Pilloy : « Les personnes handicapées se veulent sujets de droit et non objets de soin »

 Bernadette Pilloy.

Non voyante depuis la fin des années 1990, Bernadette Pilloy œuvre activement pour la reconnaissance des droits des personnes en situation de handicap au sein de nombreuses instances. Elle nous livre un précieux témoignage et nous dresse un bilan de la situation des personnes handicapées en France et en Europe.

Bernadette Pilloy - Présidente du Conseil Français des Personnes Handicapées pour les affaires européennes et internationales (CFHE), membre de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).

Le Contemporain - Est-il facile d’être malvoyant ou aveugle au quotidien en France ? La société a-t-elle évolué dans le bon sens ces vingt dernières années ?

Bernadette Pilloy - Il n’est pas facile d’être malvoyant ou aveugle dans un environnement dans lequel 80% des informations sont visuelles. La société a évolué, certes, dans la compréhension du handicap visuel mais insuffisamment compte tenu du nombre de personnes qui ignorent ce qu’est le handicap visuel. « Les aveugles ne voient pas ! » pas évident à comprendre… Un exemple : si par hasard, c’est rare, je me perds, dans le métro ou dans une administration et que je demande à être aidée, les gentils qui m’écoutent, me disent une fois sur deux, « c’est par là », geste à l’appui ! 

Les gros progrès viennent de la technologie : lecteur d’écran et synthèse vocale  qui permettent l’accès à internet, aux smartphones,  aux mails, SMS, aux RS, à certains sites, et applications. GPS adapté etc.


Le Contemporain - Pensez-vous que l’Etat et l’Union européenne agissent suffisamment pour les droits des personnes en situation de handicap ?


La France présente de gros retards quant à l’accès aux droits des personnes handicapées : sites publics inaccessibles, (encore 70%…), déficit d’accès aux soins, à la justice, à la culture, au sport et plus. La loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté dont on fête aujourd’hui les dix-huit ans, avait prévu une conception universelle, mais cette loi n’est pas ou insuffisamment appliquée et souvent « détricotée »


L’Europe est active en ce domaine et oblige le droit français à évoluer. Accessibilité du transport aérien et maritime, bientôt accessibilité des biens et services. Les personnes handicapées y participent grâce au forum européen des personnes handicapées qui regroupe les vingt-sept conseils nationaux dont le CFHE, Conseil français des personnes handicapées pour les affaires européennes et internationales, dont je suis présidente.


C’est un gros chantier.


Le Contemporain - Quelles seraient les pistes d’amélioration ? 


L’amélioration passe par la formation et l’information de tous, ce qui était prévu par l’article 4 de la loi de 2005 mais qui n’est que parcellaire. Trois heures sur l’accessibilité physique et numérique dans le cursus des architectes. Guère plus pour les enseignants ou les médecins et professions para médicales. Et idem pour la plupart des acteurs en contact avec les personnes handicapées : commerces, mairies, préfectures. Quasiment rien pour le grand public.


La dématérialisation accélère la mise de côté de beaucoup de personnes handicapées incapables d’utiliser internet.


Le Contemporain - Quel dernier message souhaiteriez-vous adresser à nos lecteurs ?


Le message : les personnes handicapées aspirent à vivre à égalité avec tous les autres citoyens. Une personne handicapée est avant tout une personne, quel que soit son handicap, moteur, sensoriel, cognitif, psychique.


Les personnes handicapées se veulent sujets de droit et non objets de soin ! Cette formule est notre leitmotiv à partager !

Laissez-nous un commentaire

Plus récente Plus ancienne